Il est assez facile de prôner le "Laissez-faire", lorsque l'on est de classe moyenne, ou de classe haute, surtout – mais pas seulement – dans un pays développé. Evitons toute méprise : Je suis personnellement convaincu qu’une certaine dose de libéralisme (comme on l'entend en Français) est cruciale dans le processus d’accroissement des revenus, dans quelque pays que ce soit. Mais le fait est que même dans le monde occidental, le « Laissez-faire » a montré ses limites, et ses abus. Non seulement il semble promouvoir l'idée de la loi du plus fort (ou plus précisément, la survie du plus fort), mais il a aussi eu comme conséquence, la création artificielle d’une classe de défavorisés quasi-perpétuels. Je ne souscris point a cette notion que tous les défavorisés le sont parce qu'ils sont paresseux, qu'ils refusent de travailler, ou qu'ils recherchent une sécurité sociale excessive. Ce sont des arguments de nantis. Il y a beaucoup de gens entreprenants, travailleurs, et intelligents qui subissent les revers nécessaires pour que la minorité dirigeante puissent enfler leurs revenus (et ici je parle plus particulièrement des USA), et qui se retrouvent sans autre voie de sortie que la Sécu, et la soupe populaire, lorsque ceux-ci existent.
Le tout revient en fait, je crois, au type de société que l'on veut créer:
1) Une société qui encourage l'entreprise privée et l'ouverture des marchés, mais prend les mesures nécessaires pour que toutes les couches de la population aient les mêmes opportunités, et les mêmes chances de réussite, quels que soit leur race, leur sexe, et/ou leur condition sociale. Ce type de société aurait un gouvernement démocratique, qui aurait comme attributions prioritaires, de prendre des mesures pour la protection de l'environnement, la sécurité, l'ordre public, la garantie de l'éducation, une garantie de la survie (nourriture, et habitat), et assurer la participation du pays, de manière intégrale dans le concert des nations. Ce type de société utiliserait la force du marché pour améliorer les conditions de vie des populations, toutes les couches comprises. Ceci implique une politique de mondialisation qui ne soit pas mono directionnelle, dans tous les domaines (pas seulement l’économie). Ceci implique aussi un certain niveau de redistribution des revenus. Ce type de société prend aussi sérieusement en compte la nécessité de pallier aux réalités sociales négatives, créées par les affres de l’Histoire (racisme, xénophobie, génocides, apartheid, népotisme, etc.), et qui sont des sources d’inégalités préjudiciables à de nombreuses populations. L'économie fonctionnerait ainsi pour servir les aspirations, les besoins des humains.
2)Une société qui repose entièrement sur l'entreprise privée, et l'ouverture sélective des marchés, et qui considère comme déjà acquis que tous les participants au marché sont à un niveau égal d'accès aux opportunités, et aux chances de réussite (donc pas besoin de mesures palliatives, comme la discrmination positive). Ce type de société veut minimiser le rôle des élus du peuple, et du gouvernement dans le contrôle de l’économie, et donne un rôle prédominant à l'entreprise privée, et à la multinationale (des institutions puissantes, mais non-démocratiques, et sans réels devoir civiques dans certains pays), dans l'édification même de la société. Cette société privilégie ainsi (c'est ce que je vis aux USA) la croissance du PIB, le profit maximum, la consommation de masse, leur corollaire de la réduction la plus forte des coûts de production, et donc la baisse continuelle et inévitable des salaires pour les ouvriers, et la diminution continuelle des services sociaux de base gratuits et de qualite (ecoles, hopitaux, etc). Dans cette société, la valeur de l'être humain est déterminée, presque uniquement, par sa contribution au PIB; le développement et le progrès sont mesurés par le PIB. Les "garanties sociales" sont basées sur des plans de retraite, des assurances, le tout garanti par des investissements dans le marché de la bourse, sans autre forme de protection. Dans cette société, l'être humain est donc a la merci du marché, et vit donc presque uniquement pour servir et "accroître l’économie".
Personnellement je choisirais le premier modèle de société ; et je suis bien conscient que le fait être en faveur de ce modèle de société, me le fait être voir avec des œillères. Mais la grande raison pour laquelle je soutiens le premier modèle (qui est une sorte économie sociale de marché), est que j'ai la ferme conviction que le travail ne devrait pas être une fin un soit, mais un élément générateur d'une plus grande capacité d'autodétermination, permettant ainsi à l'être humain d'avoir les moyens de jouir effectivement de sa vie - plus ou moins - comme il/elle l'entend. Le second modèle ne permet pas cela. Il n’y a pas ici de vacances d’1 mois garanties, de vrais congés paternité/maternité, ou encore de réelle représentation des employés. Tel que je vis le « Laissez-faire » ici aux USA, les seuls qui peuvent réellement se targuer d’être capables de réellement jouir de leurs vies, sont les CEO (PDG), et les hauts dirigeants des grandes entreprises. C'est cette classe dirigeante qui se transforme de plus en plus en suzerains d'un nouveau système féodal. Et le reste des gens, les « serfs », vivent pour la retraite. Et tout cela ne m'inspire aucune confiance, surtout quand je vois ce que ces suzerains sont entrain de tripatouiller dans mon pays, le Congo (Mais ça c'est une autre affaire). Je crois que la plupart des êtres humains aimeraient vivre dans un système qui ne les considère pas comme ayant perdu leur valeur intrinsèque, et leur valeur sociale, parce qu’ils ne produisent/travaillent pas, ou parce qu’ils sont ouvriers d’usine ; un systeme qui integre les principes de la declaration universelle des droits de l’homme dans le fonctionnement de la societe. Est-ce trop demander ? Peut-être.
Je suis moi-même de classe moyenne, et Congolais. Je rejette cette notion qui veut que tous les "progressistes"/altermondialistes soient des "riches bourges" et pathologiquement hypocrites. Il y en a beaucoup bien sur, je vous l'accorde. Mais il y en a aussi beaucoup qui ne sont pas de la gauche caviar. Je n'ai rien contre la consommation de masse, ou la Star Ac, ou le Coca (mis a part le fait qu'il me fait gagner du poids). Oui j'utilise un cellulaire (d'ailleurs étant congolais, et le coltan étant obtenu chez moi de manière peux éthique, je crois que c'est mon droit le plus absolu :)). Je ne vois rien de mal à utiliser cet ordinateur japonais, pour communiquer avec vous sur la toile mondiale qui est le web. Le problème est loin d’être le principe de la mondialisation; d'ailleurs celle-ci est presque aussi vieille que le monde. Elle s'est juste intensifiée récemment. Le problème est de s’assurer de "quelle mondialisation" nous voulons. Le colonialisme, l'esclavage et le nazisme étaient eux aussi, a leur manière, des formes de mondialisation. Je n'ai aucune envie - vous me comprendrez - d'avoir ni l'un, ni l'autre. Je veux une mondialisation qui améliore non seulement les comptes bancaires des nantis partout dans le monde, mais la condition sociale des masses. En d’autre termes, je veux une « mondialisation durable et équitable ». Je sais bien que la présomption est que l’être humain est « fondamentalement bon », et que les gens prendront sûrement soin des plus démunis, par des initiatives privées. Bien que je veuille avoir foi en la nature humaine, mon expérience personnelle (génocide Rwandais, dictature de Mobutu, la Françafrique, Union Minière du Haut-Katanga, le régime de George W. Bush, etc.) tend a me prouver le contraire : Concentrez le pouvoir, et ceux qui le détiennent en abusent plus efficacement. Une mondialisation basée sur le libéralisme « a la main invisible », sans réels garde-fous, reviendrait a remettre les clés du pouvoir planétaire aux grands PDG, et ne me semble pas la base la plus appropriée pour une « mondialisation durable et équitable ». Ce n’est la bien sur que mon humble, et insignifiante opinion.